Le Focus de Tom Willemkens : Pixels encadrés

Notre expérience visuelle change sans que nous le remarquions vraiment. Le langage visuel qui nous est proposé dans des clips musicaux, des publicités ou des films à gros budget est de plus en plus souvent issu d’un puissant cocktail de génie créatif et de logiciels de haut vol.

post-image-3

La conception d’objets d’utilisation courante, le patron des vêtements que nous portons, les lignes fluides de nos voitures, l’architecture de nos maisons… tous sont passés par une phase numérique avant d’être tangibles.
En une dizaine d’années, d’anciens métiers artisanaux ont disparu au profit d’alternatives faisant la part belle à la haute technologie. Exit le photographe argentique, le typographe analogique, le maquettiste, l’illustrateur artisanal, le professionnel de la peinture à l’huile… une nouvelle génération d’iconoclastes est apparue. Et pas seulement dans les activités visuelles professionnelles… Les pixels percent peu à peu également dans le monde de l’art ‘sérieux’.
L’“art numérique” est un phénomène qui ne date pas d’hier. Déjà dans les années soixante et septante, des pionniers artistiques s’essayaient aux artefacts générés par ordinateur… sans parler des pin-ups ascii d’alors qui sortaient des imprimantes matricielles.
Dans les années quatre-vingts, nous avons connu les exploits paintbox qui étaient souvent à la limite du kitsch, mais dévoilaient déjà tout le potentiel des logiciels comme prolongement du pinceau classique. L’art vidéo faisait une visite occasionnelle dans les expositions çà et là, et la projection devenait un must dans les milieux artistiques avant-gardistes.
Au cours des dix dernières années, on a pu également observer l’arrivée de l’art multimédia, qui s’est fait une place dans bien des musées.
Et demain? On peut sereinement parler d’une ère ‘post-numérique’, où la technologie numérique n’est plus considérée comme nouvelle dans le monde de l’art, mais comme faisant simplement partie intégrante du processus de création.
La démocratisation de la technologie est évidemment l’un des éléments fondateurs de cette évolution.
Elle est aussi à la base d’une génération de créatifs qui ont échangé la feuille ou le canevas contre un écran TFT.
Indépendamment des outils, les différentes conceptions de l’art évoluent aussi en parallèle. Les aptitudes classiques sont de moins en moins considérées comme essentielles dans une formation artistique. Dans ce cadre, l’idée prime sur le métier…
Dans l’expérience culturelle au sens plus large du terme, les préférences vectorielles font également évoluer les choses…
Si vous zappez sur Canvas, vous verrez un peu d’art vidéo avant les nouvelles. Le cadre photo en cuivre sur le buffet a été remplacé par un cadre numérique où différents clichés passent en boucle. Les écrans LCD toujours plus minces sont d’ores et déjà qualifiés de ‘peinture-TV’, et ne jurent pas du tout parmi les autres décorations intérieures. Dans les ventes aux enchères, des DVD d’art vidéo numérotés avec certificat d’authenticité (analogique) font monter les enchères. Petit à petit, le travail photographique qui n’est pas passé par un filtre Photoshop devient une rareté.
On dirait bien que l’art de demain ne sentira plus la térébenthine…
Les premiers musées numériques sont d’ores et déjà une réalité. Indépendamment de l’archivage et de la numérisation des œuvres classiques, des musées purement virtuels s’ouvrent çà et là dans le monde, souvent associés à des canaux de vente en ligne.
Dans vingt ou trente ans, il se peut que nous ne cherchions plus des trésors au grenier, mais sur le disque dur d’un vieil ordinateur ou dans une brochante numérique en ligne.

Back to top button
Close
Close