Design for your people, not for your boss

Trop souvent négligée au profit d’autres disciplines de la création Web comme le référencement, l’ergonomie Web a pris, ces dernières années, une place prépondérante dans le processus de création digitale. Les contraintes en matière d’utilisabilité a conduit les webdesigners à faire preuve de plus de pragmatisme.

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Ne vous est-il jamais arrivé de vous demander combien de fois vous avez rebroussé chemin après avoir effectué deux ou trois clics sur un site? Soit en raison de sa navigation qui ne vous permettait pas assez facilement ou rapidement de vous approprier ses produits ou services; soit pour son apparence, son look qui ne vous inspirait pas assez confiance.

Même si ce genre d'anicroche fait encore partie du quotidien des surfeurs, les sites présentant un design mal adapté à la navigation se font, avec le temps, plus rares qu’au temps du Web 1.0. Les raisons de cette évolution? L’application des principes de l’ergonomie au Web et la conviction de plus en plus partagée dans le milieu de la création digitale que la réussite d’un site ne dépend pas seulement de ses qualités techniques mais de son ‘utilisabilité’.

Peu de temps s’est écoulé depuis que des entreprises- principalement les grands groupes- ont compris qu’être présent sur Internet ne se limite pas seulement à y mettre un site avec des graphismes sympas. Plusieurs éléments concomitants sont venus changer la donne. D’un côté, les internautes disposent d’une expertise accrue de la toile, et de ce fait, se montrent de plus en plus exigeants vis-à-vis de ce qui leur est proposé. De l’autre, le nombre de sites étant en perpétuelle augmentation (plus de 150.000.000 en janvier 2008 !), les internautes sont de plus en plus sollicités. Sachant qu’Internet pèse de plus en plus lourd dans le marketing mix, il était donc normal qu’un nombre grandissant d’acteurs économiques se tournent vers des solutions qui leur permettent d’attirer un maximum de surfeurs vers leur site. C’est ainsi qu’une discipline comme le référencement connaît son succès. Mais, depuis peu, on s’est aussi rendu compte que créer de l’audience ne suffisait pas. Pour que le succès d’un site soit garanti, faut-il encore arriver à la conserver.

Webdesign =/= design graphique


Chose loin d’être évidente, si l’on en croit les dernières études de Jakob Nielsen, le gourou de l’utilisabilité Web, qui révèlent que le processus de décision des internautes est de plus en plus rapide. Ceux-ci prendraient en moyenne 35 secondes avant de faire un choix (25 sec. pour les plus rapides). Dans ces conditions, la conception d’applications informatiques ne pouvait plus rester exclusivement centrée sur les aspects techniques. Au contraire, ce processus se devait d’être intimement relié aux besoins des utilisateurs finaux.

Les travaux de Nielsen, au début des années 90, ont grandement contribué à l’essor des concepts de l’utilisateur appliqués au Web. Nielsen a d’abord conduit des recherches en ergonomie informatique pour le compte Sun Microsystems avant de mettre à profit son expertise pour analyser les interfaces Web. Il n’a eu, depuis lors, de cesse de prêcher ce qu’il considère être les bonnes pratiques du Web. Pour cet ingénieur d’origine danoise, le design web est moins une question d’esthétique ou de goût que de science : «le design d’un site doit aider les visiteurs à trouver ce qu’ils veulent et pas ce que l’éditeur ou le département marketing veut». Arrivé sur son site (useit.com), on comprend mieux ce que ce terme signifie dans la ’terminologie nielsenienne’’! De fait, le site frappe de part son minimalisme (un vrai no man’s land point de vue graphique). Selon l’expert, le dépouillement graphique doit contribuer à la mise en évidence du contenu. « Le design est bon quand il se met au service de la réalisation d’objectifs » (cité dans The Guardian). Pari réussi: depuis sa création son site aurait attiré des millions de visiteurs et réveillé des milliers de vocations.

E-commerce: une question de survie


Reprochez à Nielsen son minimalisme, il vous rétorquera, sans détour, qu’il ne fait que représenter la voix du peuple. Pour déterminer ce que les internautes veulent (ou voudraient) en matière de webdesign- c’est-à-dire le design le plus adapté à ses besoins- Nielsen se base sur ses fameux tests utilisateurs qui permettent d’établir, selon lui, ce qui fonctionne et ne fonctionne pas. Il prétend, d’ailleurs, qu’il est dans l’intérêt des entreprises d’appliquer les critères de l’ergonomie à tout support médiatique destiné à un public. Ne pas écouter les utilisateurs pourrait même aller jusqu’à avoir un impact sur la bonne marche des affaires.
Quel est l’intérêt de l’utilisabilité pour les affaires? C’est bien simple. Comme on le sait, de plus en plus de consommateurs passent par Internet pour s’informer sur un produit ou un service avant de l’acheter. Si l’utilisateur éprouve des difficultés à utiliser un site Web, celui-ci risque fort de vite le quitter sachant qu’il trouvera l’information recherchée sur d’autres sites tout en dépensant moins de temps et d’énergie. « La première impression est cruciale. Si au premier abord le site ne semble pas crédible au visiteur, non seulement ce dernier le quittera pour peut-être ne plus jamais y revenir, mais il pourra également nuire à sa réputation (bouche à oreille négatif) » expliquent sur leur site Jean Baptiste Haué et Rémy Rubio, tous deux ergonomes. Si, par exemple, la page d’accueil ne permet pas à l’internaute de cerner tout de suite ce qu’une société offre comme service et quel intérêt il y a en tirer pour l’internaute, l’objectif du site n’est pas atteint.
Les questions d’utilisabilité peuvent même être le centre d’enjeux cruciaux. Dans le cas d’un site d’e-commerce, par exemple, faire en sorte que les utilisateurs arrivent à atteindre leur but c’est-à-dire l’achat d’un produit est vital. « Beaucoup de vendeurs en ligne pensent que pour augmenter ses ventes, il suffit tout simplement d’augmenter le trafic de son site. Mais si la plupart d’entre eux n’achète rien, cela revient à rajouter de l’eau à un seau percé en essayant vainement qu’il reste plein » remarque très justement, Cédric Brandelard, architecte en information chez Emakina.
Une des premières règles en e-business stipule, d’ailleurs, que « si le visiteur ne peut trouver le produit, il ne peut l’acheter ». Il est donc impératif que l’internaute soit aussi bien accompagné que possible. Car le chemin menant à la prise de décision est long et complexe: il est déterminé par de nombreux facteurs tant rationnels qu’émotionnels. Comme dans un magasin non virtuel, le but est d’emmener les clients potentiels du stade où ils se trouvent vers le stade suivant, et ce, jusqu’à ce qu’il y ait transaction.
Mais les bienfaits de l’utilisabilité ne se limitent pas qu’à la vente ou la communication externe. Ils peuvent aussi se faire ressentir au niveau de la communication interne. « Quand des employés se retrouvent perdu dans un intranet ou qu’ils trouvent la mauvaise information à cause d’une interface mal adaptée, cela a aussi un impact sur la productivité des employés », souligne Jean-Marc Hardy, expert en qualité du contenu.

Le choix de la méthode


Le processus de conception d'une application informatique doit, donc, mettre en oeuvre des moyens pour adapter le produit à la cible utilisateur. « Le facteur prépondérant pour appréhender l'ergonomie d'une interface est la population à laquelle est destinée cette interface. » nous informe Amélie Boucher sur son site ‘Ergolab.net’. Pour ce faire, il y a lieu de définir, en premier lieu: «ses caractéristiques et leurs implications, sa connaissance de l'outil informatique, son expertise dans l'activité supportée par l'interface.»

Il existe deux grands types de méthodes permettant d’améliorer une interface d’un point de vue ergonomique: celles faisant appel aux utilisateurs (questionnaires de satisfaction ou de préférences, tests utilisateurs, focus groups, analyse des tâches, tris de cartes, …) et celles uniquement basées sur l’intervention d’un ergonome (inspection experte, évaluation heuristique, cognitive walkthrough, benchmarking pour le Web, …).

Sans rentrer trop dans les détails, il faut savoir que le choix de la méthode dépend des caractéristiques de l’application et de la phase dans laquelle se trouve le projet (phase initiale, de conception ou opérationnelle). Budget important ou pas, le test utilisateur, par exemple, n’est pas obligatoirement onéreux. Demander à ses employés ou ses proches de consacrer une heure pour remplir un questionnaire de satisfaction ou réaliser des tâches prédéfinies peut amener des résultats très concluants sans avoir à dépenser un euro. Enfin, plus tôt les erreurs seront corrigées, plus grandes seront les économies. Car « corriger un problème en phase de développement coûte 10 fois plus cher qu’en phase de conception et 100 fois plus qu’en phase de production » avertit Sacha Kocovski d’Ergolabs.

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