Polygone dans la tourmente

Faillite de la filiale française, départ de dirigeants de la société : après un départ tonitruant, Polygone est dans l’œil du cyclone.

post-image-3

Polygone a été fondée en 2006 par Pascal Lambert et Thierry Goor. Leur ambition : créer un acteur «full service» capable de délivrer une vision globale en réponse aux problématiques des annonceurs. « Nous voulons une transversalité totale au sein de notre équipe », souligne souvent Thierry Goor. Pas de silos, pas de départements qui fonctionnent repliés sur eux-mêmes. En filigrane, on décèle une double ambition. La première est celle de déployer un véritable réseau intégré, capable de servir un client sur plusieurs territoires à travers une même enseigne. La seconde est l’aspiration à créer une agence «holistique», capable d’utiliser tous les canaux de communication sur un même pied d’égalité. Or, rares sont les acteurs qui ont réussi, jusqu’à présent, à atteindre ce véritable Graal qui agite le monde de la communication depuis le début des années 2000.
 
Les premières années sont fructueuses pour Polygone. Tandis qu’elle engrange les clients de premier plan, l’agence s’implante en France dès 2007 via un rachat et accueille, l’année suivante, la SRIB dans son capital. Des moyens financiers qui lui permettent d’acquérir plusieurs sociétés en France et en Belgique comme Carré&Associates (Paris), Yin Partners (Paris), Dezineo (Paris), E-magineurs (Lyon), 4Med (Bruxelles), Compliance (Paris) ou encore Vitam (Bruxelles). De quoi se profiler, en très peu de temps, comme un groupe d’envergure internationale.
 
Mais Pascal Lambert et Thierry Goor veulent aller plus vite. Début septembre 2010, Polygone tente le pari de la Bourse et entre sur Alternext, segment d’Alternext réservé aux PME en forte croissance. Crise des marchés financiers oblige, le management de l’agence joue la carte de la prudence en choisissant la formule du placement privé auprès d’investisseurs qualifiés, ce qui assure que la partie flottante du capital reste assez réduite. L’augmentation de capital s’élève à quelque 4,2 millions d’euros et compte notamment la Société Régionale d’Investissement de Bruxelles (déjà actionnaire), le groupe Artexis et les Français Turennes Capital et UFG dans le tour de table.

Forte de ce pactole, l’agence entend réaliser des acquisitions supplémentaires afin d’augmenter encore la palette de compétences et de métiers. Dans la foulée de l’IPO, le groupe avale Hello Agency, société spécialisée dans la grande distribution et la fourniture de dépliants, emballages publicitaires et autres habillages de points de vente. En France, elle met la main sur Compliance, spécialisée dans le secteur de la santé.
 
Ensuite, la machine de guerre se grippe. Comme tout le restant du secteur de la communication, Polygone encaisse de plein fouet la récession économique qui conduit nombre d’annonceurs à geler leurs investissements. Le rapport annuel de l’an dernier ne fait pas mystère des autres problèmes qu’a traversés l’entreprise : alors les défections se sont multipliées au sein de l’équipe commerciale en raison de problèmes médicaux et familiaux, l’entrée en Bourse s’est révélée une tâche chronophage qui a éloigné les fondateurs de la ligne de front opérationnelle. « Nous enregistrons, à périmètre constant par rapport à l’exercice précédent, un recul de plus d’un million de marge brute en moins pour les dix premiers clients récurrents », révèle le même document.
 
Mais ce sont les activités outre-Quiévrain qui vont coûter très cher à Polygone. La filiale parisienne du groupe accumule les pertes. La marge brute attendue n’est pas au rendez-vous, ce qui rend insoutenable le passif social hérité des précédents propriétaires. Fin 2010, Polygone ne peut éviter la mise en redressement judiciaire de Polygone France, actée en mai dernier par le Tribunal de Commerce de Paris. « Vu l’absence de perspectives permettant d'envisager une autre issue en dépit des pistes explorées, la mise en liquidation devenait la seule solution raisonnable », explique le communiqué officiel. Ce qui frappe, c’est l’enchaînement extrêmement rapide des événements, entre la mise en Bourse et la chute de Polygone France. Le management de Polygone aurait-il péché par excès de confiance ou par manque de contrôle financier sur les filiales ? Eternel retour de la grenouille qui voulait se prendre pour un bœuf ? La question reste ouverte et laisse en même temps assez songeur…
 
Et cette faillite a des répercussions pour l’ensemble du groupe : « Le redressement judiciaire de Polygone France a sensiblement dégradé notre rating financier auprès des assureurs crédits, entraînant un durcissement de nos relations avec quelques-uns de nos fournisseurs historiques se voyant réduire leur garantie en cas de défaut de paiement », peut-on lire dans le rapport annuel 2010. De leur côté, les autres activités françaises ont elles aussi souffert de la mauvaise conjoncture économique, les E-magineurs et Compliance terminant toutes les deux l’exercice 2010 avec une perte de 200.000 euros au compteur.
 
Avec autant d’incendies à éteindre, Polygone a donc fort à faire pour redresser la barre et le dernier épisode en date n’est pas de nature à rassurer les troupes : il y a quelques jours, Cédric Cauderlier et Sébastien Vanwelde, fondateurs de Vitam et dirigeants de Polygone Digital Natives, ont annoncé leur départ pour d’autres horizons. Si ce mouvement n’est pas inhabituel dans le cycle de vie d’une entreprise, il intervient bien entendu à un moment peu propice. Pour 2011, Polygone prévoit le retour à l’équilibre dans ses activités. Wait and see…

Back to top button
Close
Close