De la viralité à la véracité : une stratégie hybride

À l’heure où la désinformation prolifère en ligne, notamment autour des sujets liés à la santé, aux sciences ou encore aux élections, TikTok cherche à prendre les devants. Avec Footnotes, la plateforme ne remplace pas son programme de fact-checking existant — contrairement à Meta, qui a récemment annoncé l’abandon du fact-checking au profit de notes communautaires — mais le complète.

L'objectif ? Offrir une couche supplémentaire de vérification, directement nourrie par la communauté. Un mécanisme qui mêle algorithmes, modération humaine et système de vote.

Comment fonctionne Footnotes ?

Le principe est simple mais rigoureux : seuls les utilisateurs majeurs, actifs depuis plus de six mois et sans antécédents récents de violation des règles, peuvent candidater pour devenir “contributeurs Footnotes”.

Lorsqu’un contributeur soumet une note contextuelle, celle-ci reste invisible tant qu’elle n’a pas été jugée “utile” par d’autres membres — notamment des utilisateurs aux opinions divergentes. TikTok explique utiliser un système de “bridge-based ranking”, conçu pour identifier les zones de consensus entre profils opposés. Une fois validée, la note devient publique et peut recevoir des votes supplémentaires de la part de l’ensemble de la communauté.

Quels cas d’usage pour le digital ?

Ce modèle participatif pourrait changer la donne, notamment pour les créateurs de contenu évoluant sur des thématiques sensibles ou complexes : données scientifiques, statistiques, événements d’actualité en temps réel, etc. Là où les commentaires, les vidéos “Stitch” ou “Duet” servaient jusqu’ici à ouvrir la discussion, Footnotes promet d’aller plus loin en offrant un espace structuré et visible pour la nuance et la vérification.

Pour les professionnels du numérique, cette fonctionnalité soulève plusieurs enjeux :

• Crédibilité renforcée des contenus : Footnotes permettrait à des experts de rééquilibrer certaines vidéos virales potentiellement trompeuses.
• Engagement intelligent : la plateforme mise sur la participation qualitative de ses utilisateurs pour enrichir l’expérience.
• Modération distribuée : TikTok délègue une partie de sa responsabilité éditoriale à sa communauté, tout en gardant un cadre structurant.

En route vers une “co-modération” algorithmique ?

Cette initiative s’inscrit dans une tendance plus large : la transition des plateformes sociales vers des modèles de modération communautaire assistée par l’IA. À l’image de Reddit, Wikipedia ou X, TikTok mise sur l’intelligence collective comme levier d’auto-régulation. Un pari audacieux, mais pas sans risques : que se passera-t-il si les utilisateurs les plus actifs biaisent les contenus vers un consensus peu nuancé ? Qui définit ce qui est “utile” ?

En attendant, TikTok affirme continuer de collaborer avec plus de 20 organisations de fact-checking accréditées par l’IFCN, dans plus de 130 marchés et 60 langues. Footnotes s’ajoutera donc à cet arsenal pour renforcer la qualité de l’information circulant sur la plateforme.

Et pour le futur du secteur digital ?

Si le test s’avère concluant, Footnotes pourrait devenir un modèle d’inspiration pour d’autres acteurs du digital, en particulier dans l’univers des vidéos courtes où la nuance est souvent sacrifiée au profit de la viralité. Ce type d’outil participatif pourrait aussi nourrir les réflexions européennes sur la régulation des contenus, dans le cadre du Digital Services Act.

Reste à voir si TikTok parviendra à faire de cette fonctionnalité un levier de confiance... ou si elle ne deviendra qu’un outil de plus dans une guerre d’attention où l’information reste, bien souvent, reléguée au second plan.