Le feu vert réglementaire… ou presque

Ce retour à l'entraînement de l’IA sur les données des utilisateurs de l’UE survient après un an de négociations avec les régulateurs, en particulier la Commission irlandaise de protection des données (DPC), en charge de Meta au niveau européen. À l’origine, l’entreprise avait mis en pause ses projets en juin 2024 face aux inquiétudes des autorités sur la compatibilité de ses pratiques avec le RGPD, qui impose des obligations strictes sur le traitement des données personnelles.

Depuis, le Comité européen de la protection des données (EDPB) a émis un avis favorable sur la conformité de l’approche de Meta. L’entreprise a alors réengagé le dialogue avec la DPC et annonce aujourd’hui le déploiement progressif de notifications in-app et par email pour informer les utilisateurs européens que leurs contenus publics – posts, commentaires et interactions avec Meta AI – pourront désormais être utilisés pour entraîner ses modèles. Un formulaire d’opposition est mis à disposition pour garantir un droit d’opt-out.

À noter : les messages privés et les données des mineurs ne seront pas concernés, précise Meta.

Des modèles d’IA à l’accent local

Dans sa communication officielle, Meta met en avant une volonté de construire des modèles d’IA « conçus pour les Européens », capables de comprendre la richesse linguistique, culturelle et sociale du continent. Pour cela, une diversité de données locales est nécessaire, affirme l’entreprise, évoquant les dialectes, le sarcasme propre à certaines régions, ou encore les références culturelles ultra-localisées.

Meta suit ainsi les traces de Google et d’OpenAI, qui utilisent déjà depuis plusieurs mois des données européennes pour former leurs propres modèles d’IA. Une démarche désormais incontournable pour les Big Tech dans leur quête d’un assistant virtuel pertinent à l’échelle mondiale.

Un précédent structurant pour le secteur digital européen

L’annonce de Meta pourrait ouvrir une brèche réglementaire pour d'autres entreprises technologiques souhaitant entraîner leurs modèles sur des données européennes, tout en respectant les exigences du RGPD. Le secteur du digital est ainsi à l’aube d’une normalisation progressive de l’entraînement de l’IA sur des contenus publics – à condition de maintenir un haut niveau de transparence et de contrôle utilisateur.

Mais cette évolution soulève également de nombreuses questions : quelles limites imposer à l’usage des données « publiques » ? Quels garde-fous pour éviter les biais ou les dérives ? Et surtout, comment garantir une IA européenne réellement éthique et inclusive dans sa conception ?

Le régulateur irlandais a d’ailleurs annoncé ouvrir une enquête sur xAI, la start-up d’Elon Musk, concernant l’entraînement de son IA Grok. Preuve que la vigilance reste de mise.

Un avenir à surveiller de près

Pour les professionnels du digital, cette nouvelle phase ouvre la voie à des opportunités significatives : création de services conversationnels localisés, optimisation des moteurs de recherche internes, nouveaux outils d’assistance client, etc. Mais elle exige aussi de repenser en profondeur la gestion des données, la transparence des algorithmes et les partenariats avec les plateformes.

L’intelligence artificielle générative, en s’ancrant sur le terrain européen, ne se contente plus d’être un outil. Elle devient un enjeu stratégique. Et les acteurs du digital ne peuvent plus se permettre de rester spectateurs.