Un tournant stratégique précoce

Threads, lancé en 2023 par Meta comme alternative à X, a rapidement trouvé son public. Avec 300 millions d’utilisateurs actifs mensuels, dont environ 100 000 en Belgique, la plateforme propose une expérience moins clivante que son concurrent direct. Mais ce qui surprend aujourd’hui, c’est la rapidité avec laquelle Meta a décidé d’ouvrir Threads aux annonceurs.

"Nous avons commencé un petit test de publicité avec quelques marques aux États-Unis et au Japon", a déclaré Adam Mosseri, patron d’Instagram et de Threads. Des marques prestigieuses comme Louis Vuitton ou des entreprises japonaises participent à cette phase d’expérimentation.

Ce lancement n’est pas anodin. Selon Xavier Degraux, expert en réseaux sociaux, "Meta exploite un contexte favorable marqué par la crise chez X, qui perd annonceurs et utilisateurs, et l’incertitude autour d’une éventuelle interdiction de TikTok aux États-Unis." Cette stratégie permet à Meta de devancer le seuil symbolique du milliard d’utilisateurs initialement envisagé avant de déployer des publicités à grande échelle.

Une réponse au besoin de financement de l’IA

L’initiative publicitaire de Threads s’inscrit dans une dynamique plus large : financer les colossaux investissements de Meta dans l’intelligence artificielle. En utilisant les formats publicitaires déjà disponibles sur Facebook et Instagram, Meta maximise l’effet de levier sans demander aux annonceurs d’adopter de nouveaux outils ou formats, ce qui accélère l’adhésion des marques.

Cependant, ce développement soulève des interrogations quant à la capacité de Threads à maintenir un environnement publicitaire sûr, ou "brand safety". Les récentes décisions de Meta, comme la fin du fact-checking aux États-Unis et l’assouplissement de la modération des contenus, pourraient rendre la plateforme moins attrayante pour des marques soucieuses de préserver leur image.

Les impacts futurs pour le secteur digital

Cette décision de Meta pourrait transformer durablement le paysage publicitaire numérique :

1. Concentration des budgets publicitaires
   En offrant un écosystème complet (Facebook, Instagram, WhatsApp et Threads), Meta pourrait capter une part encore plus importante des budgets publicitaires mondiaux. Cela pourrait poser des défis aux autres plateformes, notamment celles qui peinent à maintenir une audience stable ou à garantir un environnement sûr pour les marques.
2. Érosion de la diversité des plateformes publicitaires
   Avec la montée en puissance de Threads, la domination de Meta pourrait se renforcer, limitant la diversité des options publicitaires disponibles pour les entreprises. Cela risque de soulever des préoccupations liées à la concurrence et à la monopolisation du marché.
3. Évolution des attentes en matière de régulation des contenus
   Si Threads ne parvient pas à assurer une modération stricte, les annonceurs pourraient être réticents à investir, comme cela a été le cas avec X. À l’inverse, si Meta réussit à développer un modèle où les annonceurs peuvent personnaliser leur niveau de brand safety, cela pourrait redéfinir les standards publicitaires dans l’industrie.
4. Montée des régulations antitrust
   Avec un contrôle accru du marché, Meta pourrait attirer l’attention des régulateurs internationaux, intensifiant les enquêtes pour abus de position dominante. Cela pourrait ouvrir la voie à des décisions juridiques affectant le fonctionnement de ses plateformes.

En conclusion : un pari à double tranchant

Threads, en se positionnant comme une alternative publicitaire opportuniste, représente une avancée stratégique majeure pour Meta. Mais le géant du digital devra jongler entre ses ambitions publicitaires et les attentes croissantes des utilisateurs et annonceurs en matière de transparence et de sécurité.

Si Meta parvient à relever ces défis, Threads pourrait devenir un pilier incontournable du paysage publicitaire mondial. Mais à défaut, l’entreprise pourrait non seulement perdre la confiance des marques, mais également s’exposer à des sanctions réglementaires qui freineront son expansion.