L’IA sonne le glas des « campagnes » marketing et permet de tenir compte de la singularité de chaque consommateur

La crise du Covid-19 marque un tournant décisif dans nos économies : le recours généralisé au télétravail et aux innovations émergentes a accéléré le rythme de la révolution technologique à l'échelle de la planète. Désormais plus accessible, l'intelligence artificielle s’impose comme un levier majeur de la transformation des entreprises. Analyse avec Albert Derasse, expert patenté de l’IA chez D-AIM Belgium.

post-image-3

L’intelligence artificielle en est encore à ses premiers balbutiements. Bien que déjà solidement implantée depuis des années dans notre quotidien digital sous diverses formes de recommandations utilisées pas de nombreuses plateformes (Amazon, Tinder, etc), l’IA demeurait cependant assez limitée dans la pertinence de ses tâches.

Mais la technologie a aujourd’hui considérablement progressé grâce au « deep learning ». En passant des applications consommateurs aux outils industriels, elle inaugure une nouvelle phase de progrès tous azimuts. Mais ce que la plupart des entreprises qualifient encore trop souvent d'Intelligence artificielle ne l’est pas toujours nécessairement.

L’IA, qui s’appuie sur les données, est désormais capable d’effectuer des tâches très complexes et d’assister l’humain dans des domaines aussi variés que la recherche scientifique, l’industrie ou le marketing. Ainsi, l’Intelligence Artificielle vient enrichir l’expérience client et offrir du marketing personnalisé en s’appuyant sur les données à sa disposition afin de prédire les évènements à venir.

Nul doute que la technologie s’est fortement démocratisée et est devenue beaucoup plus accessible aux entreprises.

En cela, l’IA offre désormais un avantage compétitif considérable aux entreprises qui y recourent en permettant de faire ressortir des tendances individuelles à partir de grandes quantités de données ; chose désormais hors d’atteinte pour l’être humain lambda.

Autant le dire d’emblée, les marques capables de faire du marketing personnalisé à grande échelle en s’appuyant sur l’IA afin de mieux comprendre l’intérêt des consommateurs au niveau individuel sont en situation d’avantage écrasant par rapport à leurs concurrents qui négligeraient la personnalisation et le ciblage chirurgical de leurs messages !

Même si l’IA ne permet pas encore de faire fi de la supervision humaine qui reste encore nécessaire pour valider de nombreuses opérations. Mais pour combien de temps encore ?

Avec une prédilection avouée pour les data science et le marketing orienté vers les données, Albert Derasse exhorte les entreprises à s’appuyer sur l’intelligence artificielle,

laquelle complète très bien les qualités humaines dont regorgent leurs équipes et qui composent cette intelligence si… naturelle. Et ce pour construire ensemble une intelligence … augmentée

-Inside Digimedia : Vous affirmiez récemment sur une chaîne d’information télévisée que le terme « IA » est souvent galvaudé. Quelles sont dès lors les technologies dites « intelligentes » qui permettent d'apporter de réelles plus-values aux entreprises ?

Albert Derasse, Managing Director de D-AIM Belgique :

Le terme IA doit être selon moi intimement lié à la notion d’apprentissage automatique qu’on appelle aussi « machine learning ». Les entreprises disposent aujourd’hui de données transactionnelles, opérationnelles, relationnelles et signalétiques qu’elles peuvent utiliser pour affiner leurs actions de marketing et mieux toucher le client dans toute sa singularité. Trop de projets estampillés « intelligents » sont en réalité basés sur une programmation induite et découplée de tout contexte. Je pense notamment à la plupart des « chatbots » qui sont juste des robots programmés pour répondre à des questions types. Il n’y a donc aucune intelligence particulière dans ces outils, très pratiques au demeurant pour désengorger les centres d’appel. La véritable IA est celle qui va s’adapter. Un système intelligent est donc celui qui est capable d’apprendre en fonction du résultat constaté.

-Où en est l’utilisation de l’IA en Belgique ? Comment évoluent les priorités d’investissement des entreprises dans l’intelligence artificielle ?

Le baromètre publié par Sortlist en décembre dernier confirme la progression des investissements des entreprises belges en matière d’IA au service du marketing. Aujourd’hui, les directions générales et marketing prennent conscience de la démocratisation de l’IA et de ce qu’elle est en mesure d’apporter concrètement à leur discipline. La technologie leur est devenue plus accessible et peut enfin les aider à atteindre leurs objectifs.

-L'efficacité de l'IA semble proportionnelle à la quantité de données récoltées …

Oui, c’est vrai, plus on a de données à disposition plus on peut espérer avoir parmi elles les données qui seront ensemble discriminantes des comportements à anticiper.

On peut avoir des scores très performants dans leur capacité à prédire des évènements et d’autres qui le sont nettement moins. Ce qui importe in fine est de confronter les prédictions à la réalité constatée : est-ce que la personne a réduit ses achats dans une catégorie donnée, est-ce que la personne a ou n’a pas acheté tel produit. C’est cette dimension d’apprentissage « machine learning » qui va « repondérer » de manière automatique des centaines de critères potentiellement discriminants. Une opération qu’un être humain ne peut réaliser dans un délai (et donc un budget) raisonnable vu le volume et la variété des données traitées.

- Et la pertinence de telles prédictions dépend de la construction de « scores prédictifs » ?

L’IA dans le marketing a pour vocation de tenir compte de la singularité du client. Pour y parvenir, il est essentiel d’introduire des scores prédictifs, autrement dit de mesurer la probabilité qu’un évènement se produise. Comme par exemple la chance qu’un client achète un produit dans les semaines à venir, ou la probabilité que ce même client quitte l’enseigne dans les trois prochains mois, voire réagisse à un e-mail donné. Ce score prédictif est le résultat d’une modélisation. Autrement dit, l’attribution pondérée de coefficients à des critères donnés selon leur importance constatée. L’IA constitue en cela une analyse fine du passé destinée à prévoir les comportements à venir ! D’où l’importance d’affiner judicieusement et en permanence la sélection des données que les marques peuvent légalement utiliser, comme les données transactionnelles des cartes de fidélités ou encore la gestion des opt-in ou plus largement la réaction aux différentes sollicitations passées.

La force de l’IA dépend avant tout de la nature des données disponibles. Ses limites sont dès lors intimement liées aux données utilisées.

Il est possible de tout prévoir pourvu que l’évènement se soit déjà déroulé de manière significative par le passé, autrement dit avoir généré suffisamment de données qui constituent une base s’observation.

-Plus concrètement, que peut faire « intelligemment » une machine ? Quelle perception ont les Belges de l’IA par rapport à d’autres pays qui nous entourent ? Doit-on s’inquiéter de la montée en puissance de l’IA en matière de respect de la vie privée ?

La perception des Belges à l’égard de cette technologie est assez similaire à celle des autres citoyens européens. L’entrée en vigueur de la loi sur la protection des données des utilisateurs a finalement introduit davantage de transparence dans l’utilisation des données. Un consommateur est aujourd’hui en droit de s’opposer à l’utilisation de ses données personnelles à des fins marketing et de « scoring » s’il le désire. Les entreprises ont intégré cette dimension dont nous devons tenir compte.

- Quel est le principal impact de la crise actuelle sur la demande de projets liés à l’IA ? Observez-vous des changements majeurs dans les stratégies d’investissement de vos clients ?

Nos clients ont dû, tout comme nous, absorber le choc brutal des premières semaines de crise. Bien que la situation difficile pour tout le monde ne soit pas terminée, ils ont perçu à travers cette période déroutante toute la pertinence que peut apporter l’IA pour répondre aux nouvelles réalités induites par les nouveaux comportements des consommateurs. Darwin ne disait-il pas à juste titre que « les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s'adaptent le mieux aux changements ».

Nous observons que l’ensemble des indicateurs de connaissance de leur clientèle qu’ils ont pu réaliser jusqu’ici ne sont désormais plus valables et sont à reconsidérer. Comment imaginer que tout reviendra rapidement comme avant la crise? Les segmentations et les scores que l’on connaissait jusqu’à présent sont devenus obsolètes. Tout est à reconstruire, mais dans un univers comportemental instable.

C’est d’ailleurs une bonne nouvelle, car cela nous oblige à changer drastiquement en nous tournant vers l’auto-apprentissage, l’intelligence artificielle, et la réelle valeur des choses.

A ce titre, nous avons mis en place une offre spécifique de sortie de crise basée sur une modélisation quotidienne de scores d’achat pour aider nos clients à gérer la reprise au mieux et éviter les « promos de masse ».

Back to top button
Close
Close