Entretien avec Sébastien Chevrel, COO de Devoteam

Digimedia s’est récemment entretenu avec Sebastien Chevrel, Chief Operation Officer chez Devoteam. Il livre ici une analyse des activités de l’entreprise et partage sa vision sur la place du numérique en Belgique et le potentiel de la scène tech de notre pays.

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Digimedia : Sebastien Chevrel, quel est le parcours qui vous a amené à être le COO aujourd’hui de Devoteam ? 

J’ai rejoint le groupe il y a six ans après un parcours de consultant et de directeur général dans un certain nombre d’entités du groupe Altran. Je travaille aujourd’hui directement aux côtés des deux frères fondateurs de Devoteam, Stanislas de Bentzmann et Godefroy de Bentzmann, qui ont créé l’entreprise il y a maintenant 22 ans. En tant que managing director, je suis en charge de l’ensemble des activités commerciales, de la performance, des ressources humaines,… Autrement dit, je décline le plan stratégique sur l’ensemble du groupe, lequel compte près de 7000 collaborateurs sur 18 pays en Europe. 

Digimedia : Pouvez-vous présenter Devoteam en quelques mots ? Sa stratégie pour l’avenir ? 

Il y a un an et demi, Devoteam a entamé un plan stratégique de transformation, nommé « Scale », dont l’objectif est de gagner en impact et en volume. On a mis en place un plan d’action stratégique qui visait à repartir en forte croissance en faisant des choix très clairs. La base de cette stratégie : axer tous les recrutements, les trainings, les certifications et les acquisitions sur le monde du digital. Nos 22 ans d’ancienneté exigent une énorme proactivité pour suivre cette voie. 

Si effectivement le plan s’appelle bel et bien « Scale », nous ne poursuivons pas un enjeu de taille pour la taille, mais sommes vraiment à la recherche d’impact. Tout le groupe s'est axé sur la sécurité, - c’est un des choix qu’on a fait en Belgique - mais également sur l'établissement de partenariats stratégiques forts où l'on peut s’associer avec les très gros du digital, ceux qui ont les moyens d’investir dans l’IA, le machine Learning,… que ce soit Google ou Microsoft par exemple. 

Ce choix de transformation n’est pas un hasard : il est là pour nous imposer, non pas en tant qu’un grand généraliste, mais bien en tant que très grand spécialiste pour se focaliser exclusivement sur le monde du digital. La conséquence fondamentale de ce choix, c’est bien sûr de la croissance mais ce n’est qu’une conséquence. En 2017, on était grosso modo à 500 millions d’euros de CA. L’objectif est d’atteindre le milliard d’euros en 2020. Cette croissance organique passe donc par des recrutements, mais aussi au travers d’acquisitions. La moitié de la croissance de ce plan est réalisée au travers d’acquisitions en vue d’avoir de l’impact et du focus sur ces technologies digitales. 

L'un de nos derniers grand projets est la Roadmap pour la Smart Factory de Duracell; nous sommes en train d'y digitaliser l’ensemble du process de manufacturing. C’est un projet large qui englobe gouvernance, digitalisation des des processus...

La transformation digitale intervient évidemment dans pas mal de secteurs mais, historiquement, Devoteam, en Belgique, a toujours été assez ancré dans le monde des télécoms et des médias. On travaille aujourd’hui beaucoup avec les opérateurs, les diffuseurs de média, le secteur public, et notamment les municipalités.  

Quel regard posez-vous sur notre pays ? 

On intervient, pour avoir de l’impact, essentiellement en Europe. 95% de nos activités se passent en Europe, plutôt en Europe de l’Ouest d’ailleurs. Mais la Belgique est historiquement une forte plate-forme du groupe. Aujourd’hui, on y retrouve près de 400 collaborateurs. Les autres plates-formes étant l’Allemagne, l’Espagne et la Hollande. On intervient aussi en Scandinavie. En Belgique, il y a une présence assez forte dans le monde de la sécurité, mais on a souhaité continuer à grossir dans ce domaine-là avec l’acquisition de Paradigmo, une entreprise de conseil en sécurité, spécialisée dans un domaine de la cybersécurité qui est l’IAM (identity access management), et qui vise à tracker, à suivre, toutes les identités et le management de l’accès. On travaille également avec un autre partenaire, un éditeur qui s’appelle ForgeRock. 

Quelles différences y constatez-vous, en comparaison avec la France ?

La transformation digitale bouscule tous les marchés, tous les pays et toutes les industries. Ce que j’avance est une évidence, mais personne n’est épargné. J’ai cependant le sentiment que la Belgique a une bande passante qui est très importante et qu’elle est par conséquent l’un des pays les plus connectés en Europe. 

Je remarque aussi un certain conservatisme du consommateur belge, qui pourrait par exemple expliquer le décollage tardif du commerce en ligne en comparaison avec d’autres pays, malgré la très forte infrastructure qu’il y a en Belgique. Encore une fois, c’est selon moi l’une des plus fortes d’Europe. Je note cependant une certaine accélération des entreprises belges, en B2B ou en B2C, qui peu à peu rattrapent leur retard, en insistant davantage que les autres sur les data et l’analytics. 

Deux secteurs retiennent tout particulièrement mon attention : le monde bancaire, qui accélère beaucoup plus vite qu’ailleurs sur les plates-formes digitales et pour offrir des services digitaux à ses clients, et le secteur public. J’observe une vraie volonté, notamment de la part des local government (municipalités), de digitaliser leurs interactions avec les citoyens. 

Le panorama, l’écosystème et la taille des entreprises sont bien sûr fondamentalement différents comparés à la France : le tissu économique français est composé de très grosses entreprises tandis qu’il y a granularité plus faible en Belgique, excepté dans les télécoms. Si les filiales de grands groupes internationaux ou les plus petites entreprises veulent s’imposer, elles doivent se digitaliser de manière bien plus radicale que les grosses. Par conséquent, on voit naître en Belgique une tendance, qui la rapproche de l’Allemagne, de l’industrie 4.0, de la smart factory et autres. Et ce peut-être un plus qu’en France. 

Digimedia : On constate en Belgique un engouement incroyable pour les startups. Comment travaillez-vous avec les jeunes pousses ? 

Au sein de Devoteam, on participe surtout à faire gagner la bataille du digital à nos clients, lesquels sont des grosses entreprises. Il y a néanmoins un certain nombre de projets qui peuvent se faire dans le cadre d’un écosystème avec des startups. 

A titre interne, on a recours à une méthodologie de croissance au travers de speed boats, une appellation made in Devoteam. Je vais pas vraiment nous appeler un incubateur mais, grosso modo, nous faisons naître des entités au sein de notre business model, lesquelles disposent d'un peu plus d’autonomie. Et ces entités, en profitant de l'infrastructure de Devoteam, doivent se pencher sur un sujet précis. Depuis quatre ans, une douzaine de speed boats s'inscrivent dans ce modèle-là. 

50 % de notre chiffre d’affaires est en France, ce qui n’est pas énorme pour une boite historiquement française. Mais aujourd’hui, on veut absolument se développer dans nos entités où on a de l’impact, et la Belgique en fait résoument partie. 

Comment les entreprises doivent-elles, selon vous, opérer leur transformation digitale ? 

Les angles par lesquels aborder la transformation digitale sont pléthores et je ne peux partager une quelconque recette magique. Venant historiquement du monde des infrastructures, nous sommes convaincus que le partage au cloud, au cloud public et l’agilité du socle IT d’une entreprise sont des éléments essentiels d’une transformation réussie. Une entreprise capable de mettre en place une nouvelle gouvernance - une nouvelle gouvernance des données d’ailleurs- est aussi d'une importance capitale. 

Il y a donc une énorme nécessité pour les entreprises qui veulent se transformer de repenser le socle et l’infrastructure de leur IT, les service management et la gouvernance de leurs structures. En conclusion, avant de parler d’IA ou de machine learning, qui sont effectivement les vecteurs de demain, il y a tout un sujet de la récolte des données, de leur archivage et de leur gouvernance à exploiter.  Un travail colossal attend les entreprises et ce n’est qu’un début. 

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