L'AFSCA veut faire tomber Menu Next Door, la réponse de son fondateur

Dans une lettre ouverte publié sur son site Nicolas Van Rymenant, fondateur de Menu Next Door, répond aux attaques de l'AFSCA qui harcèle ses cuisiniers et tente de faire vaciller par la base une initiative entrepreneuriale qui n'a comme seul tort de ne pas rentrer dans les cases d'une législation obsolète. La Belgique serait-elle devenu un sanctuaire moyenâgeux où toute velléité d'entreprendre serait vouée à l'échec? Découvrez la lettre ouverte du fondateur de Menu Next Door.

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AFSCA, MON AMOUR

L’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (AFSCA) est l’organisme public chargé de contrôler la qualité de notre alimentation. Sa mission est de s’assurer que notre nourriture ne nous rend pas malade et est conforme aux standards de qualité d’hygiène dignes d’un pays comme la Belgique.

Dans cette mission difficile, l’AFSCA ne se fait pas que des amis. Elle met les restaurateurs à genoux ; elle précipite les agriculteurs sur la paille ; elle s’attaque aux petits producteurs de fromage. Travailler à l’AFSCA, ce n’est pas facile tous les jours. Mais cette agence qui veille sur nous exerce sa mission sans faillir, dans l’intérêt général.

Nous imaginons donc l’AFSCA en superhéros, terrassant la malbouffe, la listéria, les pesticides et les prions qui nous rendent tous malades. Or aujourd’hui, le nouveau défi de l’AFSCA est d’une toute autre ampleur : sa mission prioritaire est désormais de s’en prendre aux particuliers qui préparent des repas pour leurs voisins sur Menu Next Door.

Menu Next Door est une communauté vouée au partage des repas entre voisins. Des passionnés de cuisine y proposent à leurs voisins des plats authentiques, qu’ils peuvent commander sur notre site internet. Les cuisiniers Menu Next Door font cela, dans leur toute grande majorité, pour le plaisir de partager leur passion et faire des nouvelles rencontres. Il s’agit de valoriser leur savoir-faire, pas de gagner de l’argent.

C’est pourtant aux cuisiniers amateurs sur Menu Next Door que l’AFSCA a décidé de s’attaquer. Elle ne prend pas de pincettes : elle entre chez ces particuliers sans l’autorisation que la réglementation lui impose pourtant d’obtenir au préalable - donc en infraction ! - et tente de les intimider. D’après un contrôleur qui s’est confié à nous, la direction a ordonné de “mettre le paquet sur Menu Next Door pour persuader tous ces cuisiniers d'arrêter de cuisiner pour eux”.

MA LIAISON AVEC L’AFSCA

Je connais bien l’AFSCA : après tout, j’ai été invité à leur quartier général alors que Menu Next Door n’était qu’un petit groupe Facebook mettant en relation des passionnés de cuisine avec des amateurs de petits plats faits maison.

Ma première réunion à l’AFSCA a été une sorte de guet-apens. J’étais allé à cette réunion plein de bonnes intentions, remerciant même les personnes présentes de prodiguer leurs conseils à l’initiative citoyenne que représentait Menu Next Door. Une dizaine de responsables de services publics fédéraux étaient présents. Mais l’accueil de l’AFSCA m’a fait l’effet d’une douche froide. Jean-Marie Dochy, directeur des contrôles, a été sans équivoque: “Il y a 200 ans, les initiatives citoyennes, on les décapitait !”.

Je n’ai pas pour habitude de baisser les bras. Suite à cette réunion (qui m’a glacé le sang) j’ai adressé à l’AFSCA plusieurs messages afin de discuter d’une solution adaptée à la situation inédite que représente Menu Next Door. Des particuliers qui cuisinent de manière occasionnelle et souhaitent partager leur passion ne peuvent pas être traités de la même façon qu’un restaurateur professionnel. L’AFSCA veut-elle à tout prix endiguer la cuisine de proximité et donc promouvoir l’alimentation industrielle ?

MES DOUTES ET MES TOURMENTS

Les personnes qui cuisinent sur Menu Next Door ont toutes une histoire singulière. Une cuisinière retraitée nous a dit que Menu Next Door était un miracle pour elle, un nouveau moyen de créer du lien et de rencontrer des gens. Trois à quatre fois par mois, elle réalise une marge de 15€ à 25€ sur les repas partagés sur Menu Next Door. Lorsque je lui ai parlé au téléphone, après la descente de l’AFSCA, j’ai senti sa peur. Elle a été heurtée par la manière dont elle a été traitée. L’AFSCA l’a traitée comme si elle était une criminelle coupable de brasser des millions d’euros tout en empoisonnant ses voisins.

Un deuxième cuisinier a été choqué lui aussi : “Les gens de l’AFSCA ont sonné en disant qu’ils étaient là pour Menu Next Door”, m’a-t-il raconté. “Une fois arrivés dans mon appartement, ils ont sorti un Pro-Justitia signifiant mon infraction et disant que je devais être mis à l’amende. C’était la première fois que je proposais un repas sur Menu Next Door. Je n’en suis pas revenu d’être traité ainsi comme un délinquant.”

Une troisième cuisinière, chez qui le contrôleur de l’AFSCA a même tenté de dissuader les clients présents de continuer à utiliser Menu Next Door, lui a même demandé d’arrêter d’embêter ces pauvres chefs qui cuisinent par passion. Visiblement gêné, le contrôleur s’est déclaré conscient de l’absurdité de la procédure. “J’ai reçu l’ordre de ma direction de mettre un maximum de pression sur Menu Next Door,” a-t-il dit. “Mais, croyez-moi, je préfère être à la maison avec mes enfants.” À manger un Menu Next Door ?

Plusieurs cuisiniers contrôlés m’ont fait des déclarations concordantes : des contrôleurs gênés d’avoir été mobilisés pour contrôler des particuliers, ayant conscience que l’AFSCA doit s’adapter à de nouveaux usages. L’un d’eux a même déclaré adorer le concept de Menu Next Door !

“Notre mission est de veiller à la sécurité de la chaîne alimentaire et à la qualité de nos aliments, afin de protéger la santé des hommes, des animaux et des plantes”, indique l’AFSCA sur son site Internet. C’est incontestable ! Cette mission est nécessaire pour la santé publique, et nous la respectons. Je m’interroge malgré tout sur les méthodes utilisées et sur le refus de l’AFSCA d’évoluer avec son temps.

UNE VISION D’UN AUTRE ÂGE

La nature des contrôles de l’AFSCA mérite d’être rappelée pour réaliser à quel point ils sont inadaptés à la situation des cuisiniers Menu Next Door. A ces particuliers qui cuisinent par passion, il a été reproché, pêle-mêle : de n’avoir pas affiché dans leur propre cuisine les instructions sur comment se laver les mains ; de n’avoir pas contrôlé la température de chaque aliment au moment de leur achat au supermarché ; de n’avoir pas formalisé la planification du nettoyage de la cuisine (qui est, rappelons-le, leur propre cuisine) ; de n’avoir pas de thermomètre dans leur frigo (Menu Next Door pourrait le leur offrir au moment de leur inscription) ; enfin, de n’avoir pas payé la contribution annuelle de 140 euros au budget de l’AFSCA, sachant que les cuisiniers de la communauté gagnent en moyenne 100 euros par mois sur Menu Next Door !

Aucun de ces points de contrôle ne porte sur la qualité et la fraîcheur de la nourriture elle-même. Sur ce point (le seul qui importe vraiment), les cuisiniers de Menu Next Door n’ont rien à se reprocher ! Voici la conclusion, univoque, des contrôles diligentés par l’AFSCA auprès d’eux : 100% (tous, sans exception !) ont passé le contrôle d’hygiène avec succès ! Les personnes qui cuisinent pour leurs voisins sur Menu Next Door ne représentent donc pas un danger pour la santé publique.


Il est normal que les cuisiniers Menu Next Door soient soumis à des contrôles d’hygiène. Un système comme Menu Next Door ne peut prospérer que s’il est transparent dans son fonctionnement et si une confiance mutuelle est installée entre les cuisiniers et la communauté. Assurer la sécurité alimentaire de nos clients est notre priorité. Pour assurer la qualité des repas sur Menu Next Door, chaque cuisinier est formé aux règles d’hygiène à respecter ; il reçoit de la part de Menu Next Door un guide hygiène complet adapté à la préparation de repas dans une cuisine de particulier.

Nous avons d’ailleurs lors d’un rendez-vous à l’AFSCA soumis un projet ce guide et lui a demandé de bien vouloir le valider. Pour le moment, silence radio !

Par ailleurs, les repas Menu Next Door ne sont pas livrés à domicile : nos clients vont chercher eux-mêmes leur repas au domicile du cuisinier et peuvent observer les lieux une fois qu’ils sont sur place. Ils sont donc invités à laisser un commentaire et une note sur la propreté et l’hygiène qu’ils ont perçues. En cas de commentaire négatif, la situation est immédiatement signalée à Menu Next Door et des mesures sont prises immédiatement – y compris, si nécessaire, l’exclusion du cuisinier de notre communauté.

Au surplus, les cuisiniers Menu Next Door préparent des repas de manière ponctuelle : il n’ont donc pas de stock d’ingrédients susceptibles de s’avarier, ce qui diminue fortement les risques sanitaires. Nos lignes directrices imposent aux cuisiniers de faire leurs courses au plus tôt 24 heures avant la préparation du repas.

Si tous les cuisiniers Menu Next Door passent avec brio les contrôles d’hygiène, que peut donc leur reprocher l’AFSCA ? Je vous le donne en mille : les malheureux reçoivent un procès-verbal au motif qu’ils opèrent sans déclaration préalable et, surtout, sans s’être acquittés de la contribution de 140 euros due chaque année à l’AFSCA. En d’autres termes, nos cuisiniers ne mettent pas votre santé en danger. On leur reproche simplement de n’avoir pas payé leur dîme à l’organisme fédéral chargé de les contrôler…

QUEL AVENIR POUR NOUS DEUX ?

Si l’on prend un peu de recul, le problème est encore plus simple : les cuisiniers Menu Next Door ne rentrent tout simplement pas dans les cases. La législation actuelle a été conçue pour une époque où seuls des restaurateurs professionnels pouvaient préparer des repas pour des particuliers. L’AFSCA a été mise en place pour contrôler ces restaurateurs professionnels ; elle n’a pas évolué avec son temps.

Cela permet de prendre la mesure des enjeux. Il ne s’agit pas de faire rentrer une nouvelle économie dans les cases d’une règlementation obsolète, incompatible avec la fluidité des échanges entre particuliers via les applications comme Menu Next Door. L’enjeu est plutôt d’aller de l’avant pour créer les nouvelles cases et accueillir les modèles d’affaires mis au service des nouveaux usages permis par l’économie numérique.

Notre conviction est que les règles du 20ème siècle ne sont pas adaptées aux acteurs de l’économie numérique comme Menu Next Door. Face aux enjeux d’hygiène et de sécurité, nous ne sommes pas des spectateurs passifs. Au contraire, nous sommes prêts à contribuer à l’effort de mise à niveau des règles en vigueur. Notre objectif est de mettre en place des règles plus efficaces, avec moins de barrières à l’entrée pour les particuliers – moins d’obligations préalables mais, en contrepartie, un suivi continu de la qualité des repas servis sur Menu Next Door.

Une entreprise comme Menu Next Door collecte des données en permanence, en particulier auprès de ses propres clients. Grâce aux technologies numériques, chaque information est remontée en temps réel, ce qui permet de prendre des mesures immédiates en cas de problème. L’économie numérique ne fait pas seulement émerger de nouveaux modèles : elle impose aussi de mettre au point de nouvelles règles et de nouvelles modalités de contrôle. Nick Grossman, associé du fonds de capital-risque new-yorkais Union Square Ventures, a consacré un passionnant livre blanc à cette question à lire en anglais ici.

Pendant que l’AFSCA fait irruption chez les cuisiniers Menu Next Door, nos dirigeants politiques prennent conscience du fait que les activités numériques ne rentrent pas dans les cadres en vigueur. L’incertitude actuelle doit être dissipée dès que possible : l'économie numérique, en particulier l’économie collaborative, est devenue pour nous tous une réalité quotidienne et va croître de manière exponentielle dans les années qui viennent. Il est donc indispensable que les pouvoirs publics se posent les bonnes questions sans tarder.

AFSCA, MON AMOUR

Menu Next Door est né d’un constat simple. Les individus s’affirment et prennent leur autonomie, mais ils veulent aussi créer du lien et faire des rencontres. Par ailleurs, bien manger est un défi de plus en plus difficile à relever. Les aliments bio, l’économie circulaire, l’agriculture de proximité n’y suffisent plus : nous cherchons en vain de l’authenticité dans notre assiette. Les cuisiniers Menu Next Door répondent à cette aspiration : ils partagent leur passion, créent du lien avec leurs voisins, font prendre conscience aux Belges de l’importance de bien manger.

Notre plus grand souhait est qu’aller chercher à manger chez son voisin devienne un usage quotidien. Comme toute l’économie collaborative, Menu Next Door est une immense opportunité pour créer des communautés à taille humaine, pour promouvoir les produits locaux, pour favoriser les rencontres. Menu Next Door donne également la possibilité à des cuisiniers dans le besoin de valoriser leur savoir-faire et d’arrondir leurs fins de mois.

Menu Next Door ne ressemble à rien d’autre. Avec des cuisiniers engagés, nous proposons une offre radicalement nouvelle. Nous nous battons contre la malbouffe. Nous recréons des liens entre les individus. 500 chefs cuisinent aujourd’hui sur Menu Next Door en Belgique : méritent-ils vraiment toute l’attention des quelque 650 agents de terrain de l’AFSCA, alors que ces derniers ont des centaines de milliers d’établissements à contrôler par ailleurs ?

Malgré les épreuves, ma détermination est sans faille. Je suis un jeune entrepreneur de 30 ans : je représente une nouvelle génération qui tente de répondre à des besoins insatisfaits tout en subissant des règles hostiles issues d’un autre âge. La vision de Menu Next Door est noble, notre projet sert l’intérêt général. Les intimidations de l’AFSCA ne font que renforcer ma détermination à protéger les cuisiniers contre des pratiques hostiles, qui confinent à l’acharnement administratif voire à l’abus de pouvoir.

Ma proposition est donc simple : travaillons ensemble ; imaginons ce nouveau cadre juridique qui va permettre aux nouveaux usages de prospérer ; mettons en place des modalités de contrôle adaptées à l’activité occasionnelle de cuisiniers souhaitant partager leur passion. Je n’ai rien contre l’AFSCA, au contraire je pense que sa mission est plus importante que jamais. Je suis prêt au dialogue ; je suis déterminé à me mobiliser pour mettre en place un cadre juridique sécurisant les cuisiniers Menu Next Door ; j’ai même mis au point des propositions concrètes.

AFSCA, mon amour : aucune relation ne peut prospérer sans un dialogue constructif et un respect mutuel. Voyons-nous dès que possible, discutons et, ensemble, mettons au point des solutions d’avenir !

Nicolas Van Rymenant
Fondateur de Menu Next Door

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