Presse quotidienne : la Toile? Même pas peur!

Si l'état du marché américain a de quoi alimenter de nombreuses inquiétudes, les acteurs belges à qui nous avons pu parler de leur stratégie online ne nourrissent quant à eux aucune inquiétude particulière.

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Chute du lectorat ou non (et au nord du pays, ce n'est pas une règle générale), les choix stratégiques en ligne peuvent beaucoup varier d'un groupe de presse à un autre. Ainsi, un Mediafin, avec un lectorat-cible plus aisé que la moyenne mais bénéficiant aussi plus souvent d'un abonnement payé par leur employeur, n'entend pas se diversifier au-delà d'une nouvelle extension web (m24.be) certes dédiée à un plus large public, mais toujours centrée sur les questions d'argent (comment le gérer, mais aussi... le dépenser!). « Après ça, notre flotte est complète », résume Geert Wellens.
Un Rossel, en revanche, a plusieurs fers au  feu en-dehors de ses locomotives que sont Références ou Vlan. En 2007, Rossel a ainsi racheté NetEvents active dans le domaine du loisir (cinéma, agenda événementiel, rencontres, ticketing...) et lancé carchannel en parallèle au dernier salon de l'auto. Un nouveau site thématique articulé autour du tourisme apparaîtra d'ici peu dans la constellation Rossel. Enfin, un groupe comme Concentra, à fort ancrage local (Anvers et Limbourg) a tendance à privilégier des sites-niches qui se focalisent sur la même zone géographique et à intégrer des évolutions comme le web 2.0 en créant des pages à l'échelle de la commune dans les news de la région.

Bien sûr, dans un grand nombre de cas, les créneaux thématiques de prédilection restent étroitement liés aux préoccupations des groupes de presse quotidienne, en particulier endiguer l'hémorrhagie de revenus liés aux annonces classées qui subissent de plein fouet, au-delà des grands portails (surtout MSN en Belgique), la concurrence de sites tels qu'eBay, Craigslist ou des sites d'agence immobilière. Ils entretiennent donc des liens plus ou moins étroits (qu'il s'agisse d'un contrôle direct ou d'un partenariat) avec des sites d'emploi, des plates-formes de petites annonces, des sites centrés sur l'immobilier ou la voiture. Plus rarement, on trouvera dans leur portefeuille des sites tournant autour de problématiques telles que la santé ou un site dédié aux annonces nécrologiques.

Pas de modèle dominant

Si le papier est certes destiné à péricliter dans une plus ou moins large mesure et l'électronique appelé à prendre le relais, peut-on aujourd'hui identifier un modèle dominant? Clairement, non. D'une part, il demeure à long terme une large hésitation entre le modèle de l'abonnement en ligne payant et du tout gratuit financé par la pub. Si aujourd'hui le modèle de l'abonnement payant domine largement en Belgique, rien n'indique que la même situation prévaudra d'ici cinq ans en Belgique si l'on en juge par la valse-hésitation des quotidiens américains autour de ce sujet. C'est d'autant plus vrai que les quotidiens suivent étroitement les mouvements de leur concurrence et que si un titre choisit la voie de la gratuité radicale, il risque de booster le trafic de son site de manière spectaculaire... à telle enseigne que les autres pourraient suivre (le mimétisme est fort en Belgique, surtout au Nord, selon le professeur Leo Van Hove de la VUB). Sur le versant développement, chaque acteur a dans ses cartons des projets de lancement de services nouveaux, qu'il s'agisse d'un site, de nouveaux services mobiles, de contenu enrichi grâce à la vidéo ou d'initiatives dans le domaine du web 2.0 (souvent identifié à une interactivité accrue avec les lecteurs ou à un ciblage plus poussé, local ou thématique). Chez Corelio, Johan Mortelmans note une disparité Nord/Sud au niveau de son groupe: « nous avons été pionniers du côté néerlandophone et nous avons acquis une position très forte avec le Standaard et Het Nieuwsblad. Du côté francophone, on vient seulement de démarrer. Les médias sont différents. La France, la TV surtout, a une importance plus grande dans la partie francophone du pays que les Pays-Bas n'en ont en Flandre. Nous avons l'impression que 7/7 a fait bouger les choses dans le sud du pays. Le marché est devenu plus concurrentiel après son apparition. L'axis marketing n'existait pratiquement pas avant ».

D'un point de vue organisationnel, les choses restent également très nébuleuses en termes de tendances générales. Côté régie, on assiste à tous les cas de figures: externalisation à un partenaire (ADLink, Beweb, etc.), régie purement interne ou panachage en fonction de l'audience (par exemple, locale ou nationale). Chez Concentra, toutes les activités web ont été regroupées au sein d'une seule business unit web à partir de janvier 2007, mais chez d'autres, les activités web sont intégrées au groupe suivant une logique de matrice, notamment chez Corelio où Johan Mortelmans indique que « nous avons intégré toutes les cellules online dans les organisations existantes ».  Certains acteurs poursuivent une politique de « bundles » en matière de ventes d'espace publicitaires quand d'autres maintiennent des cloisonnements stricts. Chez Concentra, Frank De Jaegere (Internet Business Unit Manager) estime ainsi que dans son groupe, « on considère que l'online doit avoir sa propre valeur, donc un pricing séparé. Notre perception, c'est que le plus gros problème avec les bundles, c'est que la valeur de la proposition online reste cachée. A terme, cela présente un risque. » Il note que les magazines et la presse quotidienne (au niveau des annonces nationales) sont sous pression, mais que c'est surtout la télé qui perd une part de son marché (notamment parce que c'est elle qui en détenait la pus grosse part). Pour F. De Jaegere, l'apparition des canaux digitaux va fragmenter les audiences et, à terme, les budgets publicitaires. Cela ne débouchera pas nécessairement sur une perte pour les groupes de presse quotidienne, mais un des défis sera de développer des produits susceptibles de capter des annonceurs qui sont pour le moment en retrait, comme le secteur de la distribution où le foldering reste un élément très important à cause de la possibilité de mettre en avant leurs promotions.

Pour Olivier Simonis, Marketing Manager chez Rossel, « aujourd'hui, il n'y a pas encore beaucoup de bundles, mais il y a une évolution vers plus de transversalité. Les régies approchent de plus en plus les annonceurs dans une logique de marketing à 360°. ». Pour lui, les annonceurs, qui déploient certes des budgets de plus en plus importants dans l'online, doivent encore mûrir notamment au niveau de leur propre organisation où les budgets papier et web restent souvent séparés.

Rentable, la toile?

Le web est-il rentable en lui-même? Peut-on établir une répartition entre revenus publicitaires de l'imprimé et du web? Ici, tous les acteurs observent une prudence de Sioux. Certes, O. Simonis (Rossel) reconnaît-il que « nos activités web n'ont pas encore atteint leur rentabilité, mais elles y parviendront d'ici quelques années ». En termes de revenus publicitaires, O. Simonis estime que l'objectif de l'IAB « 10 before 10 » n'est pas du tout idéaliste. « Nous ferons plus de 10% de notre chiffre en 2010 », assure-t-il. Sur lesoir.be, on est encore loin de ce résultat, mais des sites tels que Références ou Vlan sont très porteurs en termes d'Internet. Et à l'heure actuelle, la progression des revenus pubs vient de la Toile: « nous n'avons jamais fait l'exercice de calculer ce qu'un internaute nous rapporte par rapport à un lecteur du papier. Ce qui est certain, c'est que les revenus publicitaires du papier sont stables ou stagnants et que la croissance du chiffre d'affaires pub vient de l'Internet. »
Chez Corelio, J. Mortelmans s'affirme convaincu, sans avancer de chiffres que « les activités web sont break-even au niveau du groupe. Bien sûr, les plus anciennes sont les plus rentables et les activités nouvelles ne le sont pas encore ». Pour lui, la question de la rentabilité est une préoccupation passée: « c'est une question d'il y a deux ans ». Pour Geert Wellens (Mediafin), « les revenus publicitaires ont fortement augmenté sur un an ». Il avance en effet une progression de 20%. Sans détailler la proportion de l'online par rapport au papier, il relève que « les revenus de la pub en ligne ont plus que doublé en 2007 ».

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