Comment casser les codes de l’agence digitale ?

Crise sanitaire, pandémie, coronavirus … Ces mots ont été des mois durant sur toutes les lèvres et alimenté toutes les discussions. Entre temps, le secteur digital ne s’est pas assoupi. Au contraire, les agences se sont mises en mode télétravail pour continuer à servir leurs clients. A commencer par Adjust, une agence d’une dizaine d’experts de haut vol dirigée par trois associés aux talents complémentaires sur le terrain du marketing conversationnel. Son ambition ? Casser les codes de l’agence marketing digitale classique en couplant stratégie, création et analyse des données pour proposer des solutions personnalisées au cas par cas. Avec l’omnicanal en ligne de mire pour assurer la cohérence des campagnes digitales menées sur les points de vente. Explications avec Stéphane Joiris, Creative Partner et Jean-Christophe Gabriel, Partner Digital Strategist.

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Inside Digimedia: Comment la crise actuelle affecte-t-elle les entreprises en Belgique et donc vos clients ? 

SJ: L’impact est très variable selon les secteurs. La crise affecte logiquement toutes les entreprises et commerces pour lesquels les contacts directs entre personnes ont été coupés. Avec un effet domino qui se répercute sur toute la chaine des fournisseurs. Certains de nos clients ont été plus touchés que d’autres, mais nous faisons le maximum pour leur proposer des solutions adaptées qui leur permettent de rebondir au plus vite. Cette période a donc été marquée par une relation que je qualifierais de « win win ». 

Par exemple, une action de CRM automation réalisée pour Moulinex, aussi bien via e-mailing que sur les réseaux sociaux, illustre bien tout l’enjeu des marques qui consiste à maintenir en toute circonstance une conversation directe avec les consommateurs. L’objectif de la campagne imaginée dans le cadre de la fête des mères était d’inviter une cible définie à s’inscrire sur le site. En échange de leurs coordonnées, les internautes recevaient un cadeau sous forme de remise commerciale. En faisant d’une pierre deux coups, la cible fera à l’avenir l’objet d’autres communications plus personnalisées. Car on sait dorénavant ce que les consommateurs ont acheté, quand ils ont réalisé leurs achats et à quoi ils ont réagi.

Cela étant dit, personne ne sait évidemment comment évoluera le business dans les mois à venir et quelles en seront les répercussions à moyen et long terme.

- Vous cherchez à casser les codes de l’agence marketing digitale classique en couplant stratégie, création et analytics tout en proposant à vos clients des solutions personnalisées au cas par cas … Pouvez-vous développer ce positionnement prétendument « atypique » ?

SJ: Nous accompagnons nos clients dans leurs évolutions diverses et plus généralement dans leur transformation digitale.

Nous proposons depuis quelques années une offre pointue de services digitaux, tant dans le domaine du marketing automation que sur les réseaux sociaux. Tout en mettant à la disposition de nos clients notre solution de « reporting » et d’analyses personnalisées qui a la particularité de coupler les données CRM aux données analytiques. Cette plateforme nous permet de mieux connaître les cibles visées pour leur proposer des contenus plus précis de la meilleure manière et au bon moment. Sans jamais dissocier la dimension création avec le média. Notre outil permet donc à la fois d’optimiser les flux et donc les budgets des clients. En cela, il offre une grande transparence au client tout au long des campagnes. 

En fournissant à la fois un service stratégique, créatif, media couplé à des analyses particulièrement poussées, nous instaurons un positionnement différencié des autres agences qui mettent tantôt l’accent sur la création tantôt sur le reporting, sans mettre nécessairement ces deux dimensions sur le même pied.

Jean-Christophe Gabriel, Partner Digital Strategist : J’ajouterai que le CRM a définitivement le vent en poupe chez les annonceurs, dont l’automatisation en fait intégralement partie. Les techniques de couverture media digitales classiques (réseaux sociaux, Search, Display) sont d’ailleurs également utilisées en ce sens. Couvrir une cible en fonction des intérêts des consommateurs, de son âge ou de son sexe, permet de cibler « grossièrement » les futurs consommateurs qui seront très vite invités à laisser leurs coordonnées. Dès lors, si l’acte d’achat reste l’objectif final, mieux connaître son client permet de multiplier les ventes et d’établir plus précisément des profils qu’avec des techniques de ciblage basées sur les intérêts.

Constatez-vous un changement radical dans les stratégies des marques depuis le début de la crise ? Ou une réorientation des budgets des clients vers certains pôles ? 

JCG : Il est encore trop tôt pour le dire. Néanmoins, si les annonceurs accordaient encore récemment une part relative de leurs dépenses média aux supports « classiques », comme la TV ou le papier, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Une partie significative de nos clients a décidé de renforcer les dépenses digitales tout en réduisant les budgets des media moins maîtrisables dont font partie la TV ou la presse papier. A fortiori les plus gros d’entre eux.

Il en va de même pour la radio qui demeurait encore récemment un media complémentaire au digital, mais qui fait désormais partie des canaux classiques dans lesquels nos clients investissent moins ; notamment compte tenu de la difficulté d’obtenir des statistiques précises sur les audiences. On peut dès lors raisonnablement soupçonner une baisse considérable des investissements publicitaires dans les media classiques depuis le début de la pandémie. 

Avez-vous constaté une évolution dans la gestion des projets orientés UX ?

JCG : La période de crise a poussé nos clients à nous donner davantage de latitude pour l’adoption des projets. Autrement dit, nous avons eu beaucoup plus facile à faire accepter les projets de développement de sites et autres campagnes d’activation qu’en période normale où les étapes de validation sont généralement plus nombreuses et fastidieuses.

Comment les marques peuvent-elles faire preuve d'empathie envers leurs clients pendant la crise ? 

SJ: Les marques ont un rôle repère, elles doivent être là aussi pour rassurer. On a vu pléthore d’offres de soutien de la part de certains secteurs comme les télécoms, par exemple. J’ai la naïveté de penser que les marques, dans l’ensemble, n’ont pas profité de la situation. De toute façon, les comportements trop opportunistes sont assez vite débusqués par les clients, et sanctionnés à terme.

L’objectif des communications réalisées en période de crise sert avant tout à marquer une certaine présence des marques et de conserver le contact avec leur cible. Rappelons que le but d’une marque, en définitive, est de démontrer sa valeur. A partir du moment où l’on prend le pli de communiquer tout au long de l’année pour rester en contact avec le consommateur, il serait stupide de tout arrêter en pleine crise.

Vos clients sont-ils plus enclins à investir dans les nouvelles technologies destinées à doper l’expérience en ligne de leurs clients ? 

SJ: Nous travaillons de concert avec nos clients pour optimiser au mieux l’expérience digitale sur tous les points de contact avec le consommateur. On procède par essais erreurs en proposant des adaptations diverses et de l’AB testing aussi bien sur site qu’en social. Le but final est d’obtenir le meilleur ROI pour le client.


JCG : L’investissement dans de tels projets n’est pas à la base de la majorité des réflexions, car il s’agit plutôt pour l’heure d’assurer la maîtrise du chiffre, voire de limiter les dégâts dans certains cas. Mais de telles réflexions sont certainement lancées, et ne prendront forme qu’au second semestre pour être intégrées aux plans de l’année prochaine.

Comment évoluent les budgets digitaux en cette période de crise ? Observez-vous des fluctuations importantes dans certains segments marcom ?

JCG : En début de crise, certains annonceurs ont joué la carte de la prudence en réduisant leurs budgets. Mais ils ont très vite décidé par la suite de les maintenir, voire même pour certains de les augmenter. Car outre leur souplesse, les media digitaux permettent une maîtrise des résultats en temps réel ce qui permet à l’agence et donc aux annonceurs de réorienter le tir facilement.

Comment la conjoncture actuelle influence-t-elle l’usage de l’IA et la façon dont les responsables marketing recourent aux outils d'automatisation ?

JCG : L’IA est un vaste sujet. Les GAFA l’utilisent depuis « longtemps » pour améliorer leurs algorithmes. Côté annonceur, les responsables marketing ont intérêt à intégrer l’IA dans une réflexion globale et pas uniquement au sein du département marcom. En la couplant par exemple au « machine learning ». Car outre le fait que la technologie permet d’accélérer les processus de traitement des données, elle est en mesure de remplacer de nombreuses tâches fastidieuses et source d’erreur. En outre, l’automatisation permet de personnaliser les flux d’information destinés aux consommateurs.

Les marques qui n’ont pas encore prévu d’investir dans l’automation ou l’IA, devraient y penser en 2021.

Avez-vous quelques conseils à donner aux entreprises de commerce électronique pour qu’elles puissent améliorer l'expérience client, augmenter les conversions et leurs ventes en ces temps troublés ?

SJ: Il y a aujourd’hui tellement d’offres en ligne … Qui, d’ailleurs, se sont encore multipliées durant la pandémie. Dès lors, le « story telling » avant l’acte d’achat est devenu plus que jamais primordial. A l’instar d’une « vraie » boutique, chaque détail touchant à l’UX est important dès lors que l’on arrive sur le site de la marque. On peut choisir d’offrir un bon de réduction ou une belle offre promotionnelle, à condition qu’il soit facile d’en profiter. Car si c’est la galère pour l’obtenir, l’internaute aura vite fait d’aller voir chez le concurrent !

JCG: Il faut privilégier l’A/B testing. Ces techniques pourtant classiques en media, restent souvent négligées sur les supports « corporate » des marques. S’il est logique de proposer trois messages publicitaires à une cible, il devrait en être de même lorsque cette cible arrive sur une landing page. Nous utilisons très régulièrement ces techniques pour laisser le visiteur décider de la meilleure version d’une landing page. Les tests sont la plupart du temps menés sur des petites variations plutôt que des grandes, et sont souvent destinés à comparer les taux de conversions entre les différentes versions.

Quels seraient, à votre avis, les principaux obstacles qui freinent la transformation numérique de vos clients, ou qui les empêchent de poursuivre la modernisation de leur business en ligne ? 

JCG : Tout dépend de la taille de l’annonceur et de son modèle d’affaires. Le secteur du business to retail, par exemple, sera tributaire de son réseau de distribution. Il s’agit donc de démontrer la valeur de la marque tout en assurant pas la distribution, ce qui peut parfois rendre les choses plus complexes. L’enjeu des marques consiste alors à assurer une conversation régulière avec sa cible en préparant le terrain à la vente. 

Diriez-vous que la situation actuelle est un obstacle ou une opportunité pour la poursuite de la transformation numérique de vos clients ? 

SJ: Les mois à venir nous diront dans quel sens s’effectueront les adaptations budgétaires de nos clients. Mais nous travaillons d’arrache-pied pour faire en sorte que la situation actuelle ne soit pas un obstacle à leur transformation.

 Je constate également que le niveau du plancher digital est remonté quelque peu du fait de l’engouement des consommateurs pour les services en ligne durant la pandémie. Le niveau d’exigence digitale a donc grimpé tant chez les consommateurs que chez nos clients.

JCG: J’y vois de mon côté une opportunité à la crise. S’il y avait encore des annonceurs qui investissaient plus timidement dans les canaux digitaux, ce ne sera probablement plus le cas. On devrait constater cette tendance positive dès le mois de septembre prochain. N’oublions pas que pour démontrer toute sa valeur, une marque doit aujourd’hui se tourner vers toutes les techniques digitales existantes.  Le CRM faisant partie intégrante de celles-ci, et permet à nouveau de mieux maîtriser les données relatives aux consommateurs. 

 
 
 
 
 
 
 
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